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Le 26/07/2006, 00h38

Je pars...


Il répondit comme s'il m'avait entendu.

"Aujourd'hui, je vais et parfois on me questionne. A celui qui me demande quoi faire de sa vie, je dis que l'amour et le respect valent mieux que l'ambition et la violence. Au prudent, à l'hésitant, je dis qu'il ne faut pas remettre au lendemain le bonheur du jour. Mais je dis aussi que le bonheur n'a pas besoin d'artifice, qu'il est autour de nous. Demain, je ne serai plus là. Qui leur dira tout ça ?
- Il faudrait peut-être mieux écrire un livre.
- As-tu eu besoin d'un livre pour me suivre ici ? Tu aurais pu t'arrêter après la première photographie. Je ne t'ai rien dit, et pourtant tu es ici. Me comprends-tu ? Si tu fais bien ton travail, ta photo sera plus parlante que tout les livres du monde."

Montrer son âme du doigt... A croire que c'est lui qui m'avait mis ça en tête.



J'ai pensé qu'un soleil couchant pourrait faire écho à cette vie que je pensais finissante. Deux jours plus tard, je suis passé lui porter la photo encadrée. Il l'a accrochée au mur, pas très loin des autres. En me raccompagnant, il a lâché un "je sais que toi, tu as compris". Je suis rentré au magasin en me demandant combien de mes collègues il irait voir encore.

Ca fait quelques mois de ça maintenant. Mais, chaque jour, depuis, je regarde le second tirage de cette photo que j'avais conservé en vitrine. Je fixe ses grands yeux noirs...

C'est décidé. Demain, je pars.

Fin



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Le 25/07/2006, 00h46

Pour la postérité


La seconde rencontre s'est déroulée chez lui. Je voulais apprendre à le connaître, tâcher de comprendre qui se cachait sous les deux plumes qui semblaient lui avoir poussé sur la tête. Ce genre de boulot n'est pas si courant, dans le coin. Ca me changeait des travaux habituels. "Oui, Mme Trucmuche, vos photos seront prêtes dans deux jours". Ces portraits devraient non pas lui voler son âme, mais la montrer du doigt, la faire ressortir, la magnifier.

Le vieux n'en était pas à son coup d'essai. Des clichés plus ou moins encadrés ornaient déjà sa bicoque. Certains dataient de Mathusalem. Et pourtant, il ne semblait pas avoir changé d'un poil : mêmes fringues, mêmes plumes, même regard sombre. Quel âge pouvait-il avoir ?



Dans son univers, sa langue a commencé à se délier. Ces images, il les voulait pour la postérité, pour qu'on se souvienne de lui dans des siècles et plus.

Quelle illusion ! pensais-je... La plupart des gens sont oubliés en à peine deux générations. Alors des siècles... Et, quand bien même ces photos dureraient jusque là, qu'évoqueront-elles à ceux qui les regarderont ? D'ailleurs, restera-t-il encore quelqu'un pour les regarder ?

Fin de la seconde partie...



Aparté: Je ne sais pas si vous connaissez déjà Zazon. Je l'ai découverte hier, en cliquant depuis chez Maëster. J'ai beaucoup ri avec ses candides caméras...


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Le 23/07/2006, 23h45

Le vieux au portrait




Quand ce vieux-là a poussé la porte du magasin de photos (tous travaux), j'ai d'abord pensé à une erreur. Pas du genre à apporter une pellicule à développer. Et les indiens ne se font pas tirer le portrait. Ils pensent qu'ainsi, on leur vole leur âme. Leur âme... C'est vrai que si on en avait une, ça serait trop con de se la laisser voler.

Du coup, j'ai pas su trop quoi dire quand, dans l'embrasure de la porte, il m'a justement demandé si je pouvais lui en faire, des portraits. "Ben ouais... chuis là pour ça".

Les clients ne se bousculaient pas, on a fait une première séance. Il ne parlait pas, peut-être intimidé. Mais je n'étais pas mieux et pas content de ce que je faisais. J'ai prétexté un boulot à terminer et on a pris rendez-vous pour le lendemain.

Fin de la première partie...


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